Nous terminons notre série consacrée aux traits d'union entre la Chine et la langue française avec ce troisième volet.
L'Éternité n'est pas de trop, de François Cheng, de l'Académie Française.
François Cheng nous confie dans un splendide avant-propos à son roman qu'il aurait puisé son inspiration dans un livre trouvé par hasard - "miraculeusement" écrit-il - sur les rayonnages de la bibliothèque de l'abbaye de Royaumont. Le romancier, venu là pour un colloque sur les échanges interculturels, y découvre un livre anodin intitulé "Récit de l'homme de la montagne".
Lecture captivante, nuits entières consacrées à ces pages, l'auteur quitte Royaumont avec ce texte au coeur. Quand il a l'occasion d'y revenir, il est accablé de voir le petit livre disparu, et entreprend de restituer l'oeuvre de mémoire : c'est L'Éternité n'est pas de trop.
Toujours dans l'avant-propos, François Cheng explique pourquoi l'histoire de ce lettré quittant son monastère pour retrouver la seule femme aimée nous éclaire sur la vérité à atteindre dans le dialogue des Hommes.
L'amour décrit dans les péripéties du roman est un absolu dont seule l'éternité peut être effectivement l'écrin. Il en va en effet d'un appel ascendant vers l'infini pour pleinement communier avec l'aimé. Mais cet élan se puise dans l'intense profondeur des personnes, héritières du temps. L'amour tel qu'illustré est donc un mouvement sans début et sans fin, proprement éternel.
Or, nous dit François Cheng, le dialogue entre les cultures, s'il veut être fécond, doit s'inspirer de cette dynamique, quittant les rivages trop superficiels pour affronter les profondeurs où les dehors s'émoussent pour laisser place aux communs de l'humanité.
C'est d'ailleurs en parlant d'amour que le protagoniste et l'étranger "venu de l'Océan de l'Ouest" parviennent à jeter des ponts entre leurs fois et leurs raisons d'être.
La citation
"- Vous dites savoir ce que c'est que d'aimer. Vous aimez quelqu'un, n'est-ce pas ?
- Oui, pas de doute, j'aime quelqu'un. Pas facile cependant de vous dire qui est la personne. En tout cas, je l'aime du fond du coeur, à l'extrême. Pas de doute là-dessus.
- Du fond du coeur, à l'extrême, dites-vous. Est-ce qu'on peut entendre par-là que vous l'aimez plus que vous-même ?
- Pour sûr, oui.
- Force est de constater alors que, (...) si l'on aime vraiment, on entre en quelque sorte dans une autre sphère."
L'Éternité n'est pas de trop, de François Cheng, de l'Académie Française, aux Editions Albin Michel (2003), présenté ici dans la collection Livre de Poche. Dos carré collé.
Pour prolonger la réflexion, voici le dernier entretien donné par François Cheng à La Grande Librairie.
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